Euripide, Médée (- 431)

Affiche de MUCHA, pour une mise en scène avec Sarah Bernardt, 1898

Un exemple de tragédie grecque : EURIPIDE, Médée ;

Malheur! Que faire ? Le cœur me manque, femmes, quand je vois le regard brillant de mes enfants. Non, je ne pourrais pas. Adieu, mes anciens projets. J’emmènerai mes fils loin du pays. Pourquoi me faut-il, pour torturer leur père par leur malheur à eux, redoubler mes malheurs à moi ? Non, non, pas moi. Adieu, mes projets. Mais quoi ? Je veux être condamnée à la risée en laissant mes ennemis impunis ? Allons! de l’audace! Ah! quelle est ma lâcheté d’abandonner mon cœur à ces faiblesses! Rentrez dans le palais, mes enfants. (Elle lève le bras vers le Soleil.) Celui à qui Thémis interdit d’assister à mon sacrifice, cela le regarde, mais je ne laisserai pas faiblir ma main. Hélas ! Non, mon cœur, non, n’accomplis pas, toi, ce crime. Laisse-les, malheureuse! Épargne tes enfants. Ils vivront là-bas avec moi et seront ma joie. Non, par les vengeurs souterrains de l’Hadès, il n’arrivera jamais que je livre moi-même mes fils aux insultes de mes ennemis. Il faut absolument qu’ils meurent; puisqu’il le faut, c’est moi qui les tuerai, qui les ai mis au monde. C’est chose faite, inévitable. D’ailleurs, la couronne sur la tête, dans ses voiles, la royale épousée expire; j’en suis sûre, moi. Allons! puisque je vais entrer dans la voie des plus terribles malheurs et leur faire prendre une voie plus funeste encore, je veux dire adieu à mes fils. Donnez, mes enfants, donnez à baiser votre main droite à votre mère. O main adorée, ô bouche adorée, traits et visage si nobles de mes enfants! Puissiez-vous être heureux tous les deux, mais là-bas! Le bonheur ici-bas, votre père vous l’a ravi. O doux embrassement! ô délicieuse peau! ô haleine si douce de mes enfants! — Allez-vous-en! Allez-vous-en! Je ne suis plus capable de tourner mes regards vers mes fils. Je suis vaincue par les malheurs. Je sais les crimes que je vais oser, mais ma colère est plus puissante que ma volonté et c’est elle qui cause les plus grands maux aux mortels.

Film de PASOLINI, avec Maria CALLAS, 1969

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