Du bon usage de Wikipédia ou Comment faire des recherches documentaires avec Internet.

Vive Wikipédia !

Bon nombre de mes collègues enseignants crachent et même vomissent sur Wikipédia (site que je ne présente pas… inutile de mettre un lien en fin d’article, n’est-ce pas ?). Sont-ils ignorants ou hypocrites ?

Au contraire, j’aurais plutôt tendance à faire l’éloge de ce site international qui contribue, comme quelques autres, au côté merveilleux du bouleversement humain que nous vivons aujourd’hui (bouleversement que nous pourrions appeler : révolution numérique).

Car oui, nous vivons aujourd’hui un bouleversement humain digne de la révolution copernicienne, de l’invention de l’écriture, de la création de l’imprimerie, de la « découverte » de l’inconscient, ou que sais-je encore. Ce n’est ni bon ni mauvais. Ce n’est qu’un bouleversement historique parmi d’autres, un bouleversement spectaculaire des rapports entre les hommes et le réel comme il y en a eus dans le passé, qui advient avec son propre lot d’horreurs, de peurs, de tristesses, de pessimisme, mais aussi son lot de merveilles, de « progrès » potentiel, de joies, d’optimisme. Ce qui est fascinant (avec tout ce que cet adjectif contient d’ambigu), c’est de vivre ça. Personnellement, j’ai conscience d’appartenir à une génération singulière: celle qui est née sans Internet, mais qui était suffisamment jeune au moment de la démocratisation de cet outil pour savoir s’y adapter. La génération de mes parents est souvent perdue face à Internet, et celle de mes élèves, quant à elle, est née dedans ! Ça donne trois générations dont les rapports au « monde connecté » (et, par répercussion, au monde réel) sont complètement différents. Là encore, il ne s’agit surtout pas de morale: il n’y a pas une génération qui soit  plus intelligente qu’une autre, surtout pas. Mais n’est-ce pas nécessaire de se situer soi-même au sein de sa génération, et de prendre du recul histoire de comprendre (et donc au besoin d’accepter un peu mieux) tout ça ?

Quand j’entends un(e) collègue déplorer que « les élèves utilisent systématiquement Wikipédia pour faire des recherches, quand même, ça craint ! », je me demande sur quelle planète il/elle évolue. De deux choses l’une: soit ce(tte) collègue diabolise Wikipédia parce qu’en fait, il/elle ne connaît pas du tout cet outil; il/elle croit encore que Wikipédia est une plateforme sur laquelle n’importe quel(le) con(ne) peut distiller ses opinions ou connaissances sans les justifier ni les vérifier ni les falsifier ni en donner la source. Il/elle croit encore que Wikipédia en est à sa phase d’expérimentation et que rien n’y est contrôlé. Soit ce(tte) collègue utilise aussi Wikipédia, mais n’ose pas l’avouer, ce qui revient au même: il/elle diabolise le site sans doute pour les mêmes raisons, mais en plus, il/elle fait preuve de malhonnêteté intellectuelle et d’hypocrisie en faisant croire qu’il/elle « ne trouve ça pas bien » ! Que cette deuxième catégorie se taise à jamais, à jamais… Dans tous les cas, celles et ceux qui crachent et vomissent sur Wikipédia manquent aussi sérieusement de confiance dans les gens qui l’utilisent. Sans doute sont-ils/elles très pessimistes sur les formes d’intelligences humaines… Tant pis pour eux/elles.

Quelles que soient les raisons de la diabolisation de Wikipédia, il faudrait rappeler le fonctionnement actuel du site. Pour approfondir ce qui suit, je vous invite d’ailleurs (sans rire), à consulter l’article « Wikipédia » du site « Wikipédia » !!! Et pour commencer, voici les cinq principes fondateurs du site:

Les principes fondateurs de Wikipédia fixent les grandes lignes qui définissent Wikipédia et les conditions de son élaboration1. Ils constituent le fondement intangible de toutes les règles et recommandations du projet et sont au nombre de cinq : encyclopédisme, neutralité de point de vue, liberté du contenu, savoir-vivre communautaire et souplesse des règles2.
Pertinence encyclopédique
Wikipédia est une encyclopédie qui incorpore des éléments d’encyclopédie généraliste, d’encyclopédie spécialisée, d’almanach et d’atlas. Elle n’est pas une compilation d’informations ajoutées sans discernement. Elle n’est pas non plus une source de documents de première main et de recherche originale, ni une tribune de propagande. Wikipédia n’est pas un journal, un hébergeur gratuit, un fournisseur de pages personnelles, une série d’articles promotionnels, une collection de mémoires, une expérience anarchiste ou démocratique, ou un annuaire de liens. Enfin, ce n’est pas l’endroit où faire part de vos opinions, expériences ou débats. Tous nos rédacteurs se doivent de respecter l’interdiction sur les recherches originales (dits aussi « travaux inédits ») et de rechercher une exactitude aussi poussée que possible.
 
Neutralité de point de vue
Wikipédia recherche la neutralité de point de vue, ce qui signifie que les articles ne doivent pas promouvoir de point de vue particulier. Parfois, cela suppose de décrire plusieurs points de vue et de représenter chacun de ces points de vue aussi fidèlement que possible, en tenant compte de leur importance respective dans le champ des savoirs. Cela suppose également de fournir le contexte nécessaire à la compréhension de ces points de vue au travers de ceux qui les tiennent, et de ne représenter aucun point de vue comme étant la vérité ou le meilleur point de vue. Ces conditions permettent la vérification des informations en citant des sources faisant autorité sur le sujet (particulièrement dans le cas de sujets controversés).
 
Liberté du contenu
Wikipédia est publiée sous licence libre et ouverte à tous : les textes publiés sont disponibles sous licence Creative Commons Paternité-Partage des Conditions Initiales à l’Identique 3.0 non transposé (CC-BY-SA 3.0) et licence de documentation libre GNU (GFDL). Cette licence autorise chacun à créer, copier, modifier et distribuer le contenu de Wikipédia. Les obligations sont de conserver la même licence pour les copies conformes et les copies modifiées, ainsi que de créditer les auteurs originaux. Personne n’a le contrôle d’un article en particulier. Tout texte apporté à Wikipédia peut être modifié et redistribué sans avertissement par n’importe qui, y compris de façon marchande. « Libre » ne signifie pas que chacun peut écrire ou faire ce que bon lui semble en toute liberté. Le droit d’auteur doit être respecté.
 
Savoir-vivre communautaire
Wikipédia est un projet collaboratif qui suit des règles de savoir-vivre : vous êtes tenu de respecter les autres wikipédiens, même lorsqu’il y a désaccord. Restez toujours poli, courtois et respectueux. Recherchez le consensus. Ne vous livrez pas à des agressions contre des personnes, ni à des généralisations insultantes. Gardez votre sang-froid lorsque l’atmosphère chauffe. Évitez les guerres d’édition. Ne perdez pas de vue qu’il y a 1 896 659 articles différents sur la Wikipédia francophone, sur lesquels vous pouvez travailler et discuter. Agissez de bonne foi et partez du principe que vos interlocuteurs font de même, sauf preuve flagrante du contraire. Efforcez-vous d’être ouvert, accueillant et amical.
 
Souplesse des règles
Wikipédia n’a pas d’autres règles fixes que les cinq principes fondateurs énoncés ici. N’hésitez pas à être audacieux dans vos contributions puisque l’un des avantages de pouvoir modifier Wikipédia est que tout n’a pas à être parfait du premier coup. Il n’est donc pas nécessaire de connaître toutes les règles pour contribuer. Si vous faites des erreurs, d’autres contributeurs les détecteront, les corrigeront et vous les expliqueront. Ne vous inquiétez pas non plus de commettre un impair : toutes les versions précédentes des articles sont conservées et accessibles par le biais de l’historique, il est donc impossible d’endommager ou de perdre irrémédiablement de l’information sur Wikipédia. Mais n’oubliez pas que tout ce que vous écrivez sera préservé pour la postérité.

Si Diderot et D’Alembert pouvaient voir ça… Ils en chialeraient d’émotion, sans doute !

Les Wikis sont une occasion inédite d’échanger des connaissances à grande échelle. C’est une mutualisation des savoirs qui se fonde, entre autres jolies choses, sur la confiance et la générosité. Cela dit, les articles de Wikipédia sont à tout instant surveillés, corrigés, modifiés, complétés, ajoutés. Bien sûr, il arrive encore que des inexactitudes, voire de grossières erreurs, restent pour un certain temps en ligne. C’est que les contributeurs de Wikipédia ne sont « que » des êtres humains, qu’on les pardonne… Mais la collaboration est d’une telle ampleur que ces erreurs sont de plus en plus rares, notamment sur les sujets les plus consultés.

Donc non, Wikipédia n’est pas le Diable, ce n’est certainement pas non plus le signe de la victoire du crétinisme dans notre civilisation. Lorsque quelqu’un parle d’un film que je n’ai pas vu, d’un groupe de musique expérimentale, d’un chanteur, d’un écrivain que je ne connais pas, d’un conflit historique que je ne maîtrise pas, d’un phénomène scientifique, d’une technologie nouvelle ou ancienne, d’un personnage de télévision, d’une association, d’une ville, d’un personnage historique, bref, de n’importe quoi ! mon premier réflexe, comme sans doute celui de la plupart de mes contemporains (et de mes collègues !!), c’est d’aller voir s’il y a un article sur Wikipédia. Et miracle ! la plupart du temps, il y en a un ! C’est toujours un point de départ.

Cependant (et oui, il y a toujours un « mais » !), ce n’est toujours qu’un point de départ. Parfois, on n’a pas besoin d’aller plus loin, parce que tout simplement ce n’est pas nécessaire. Par exemple, lorsqu’on me parle d’un groupe de musique que je ne connais pas, et que je vais voir l’article Wikipédia, il arrive qu’à la lecture de l’article, je me rende tout de suite compte que ce groupe de musique ne me plaira pas du tout ! Ainsi, je laisse tomber, je ne vais pas voir plus loin. Mais si l’article me donne envie, me laisse penser que ça va me plaire, alors j’approfondis mes recherches.

En tant qu’enseignante, j’éprouve tout de même le besoin de mettre en garde mes élèves contre une « mauvaise » utilisation de Wikipédia. C’est là que je me transforme en monstrueux professeur qui doit raisonner parfois dans un contexte purement scolaire… Aïe aïe aïe, tremblez ! Si vous voulez approfondir les recherches sur un sujet (et n’est-ce pas, c’est toujours ce que vous voulez faire lorsqu’un professeur vous demande de faire des recherches sur Internet…), il y a quelques règles à suivre:

  • Ne vous limitez pas à Wikipédia ! Allez chercher la même information sur plusieurs sites différents (des sites aussi « sérieux »), pour voir s’ils se recoupent et s’ils sont « d’accord ».

  • Lorsqu’un article Wikipédia donne ses sources (et normalement, les contributeurs sont tenus de le faire ; cf. ci-dessus), allez vérifier ces sources. Et si vous citez l’article que vous avez trouvé et lu, référez-vous à ces sources plutôt qu’à Wikipédia, parce que Wikipédia n’est pas une source en elle-même, mais un ensemble de ressources « de seconde main » (ne l’oubliez jamais !).

  • Complétez si possible vos recherches sur Internet avec des recherches plus poussées dans des livres (encyclopédies, manuels scolaires, dictionnaires spécialisés, essais, traités, etc.) que vous trouverez au CDI ou dans la bibliothèque de votre commune.

  • Quand vous êtes pris d’un doute, demandez à votre professeur un conseil, AVANT la date à laquelle vous devez rendre votre travail de recherche (n’attendez pas qu’il soit trop tard…).

  • Une règle de bon sens pour finir (mais ça ne fait jamais de mal de la rappeler): Ne copiez/collez pas ce que vous trouvez sur le Net ! Quand vous trouvez une information, il faut vous l’approprier, et pour vous prouver à vous-mêmes (ainsi qu’à vos professeurs) que vous l’avez bien comprise et bien acquise, il faut la REFORMULER PAR VOUS-MÊMES.

 Pour finir: Wikipédia, en soi, c’est bien (c’est même génial !!). Savoir l’utiliser à bon escient et en toute connaissance de cause, c’est encore (beaucoup) mieux ! Car il y a une grande différence entre, d’une part, avoir à portée de main (au sens propre, avec la démocratisation des smartphones) une infinité de connaissances, et d’autre part, acquérir des connaissances et des savoir-faire, c’est-à-dire les faire siens, se les approprier. Si la facilité du premier est réjouissante, il n’en reste pas moins que l’un des objectifs de l’école, il me semble, est encore de rendre possible le second. C’est pour cette raison que je conclurais : même aujourd’hui, alors que moult connaissances sont accessibles facilement au plus grand nombre, il reste toujours à se mettre (sérieusement) au boulot !!

A bon entendeur…

 

 

 

S.Hubac

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