ORAL 10 – lecture linéaire – Hubac 2023
Parcours associé : « Crise personnelle, crise familiale »
Bernard-Marie Koltès, Roberto Zucco, 1990, Tableau 2 « Meurtre de la mère »
Quelques éléments pour l’introduction :
AUTEUR :
– Bernard-Marie Koltès : dramaturge né à Metz en 1948/ mort à Paris en 1989.
– connu pour ses œuvres théâtrales, en particulier : Dans la solitude des champs de coton, La nuit juste avant les forêts, Roberto Zucco.
– né dans une famille bourgeoise de Metz, il se tourne vers le théâtre et rejette les valeurs bourgeoises tout au long de sa vie d’adulte. Il voyage à travers le monde : Russie, Amérique latine, Afrique, New York.
– son écriture dramatique se fonde sur un contraste flagrant entre la noirceur des réalités abordées (ici par exemple la violence des rapports familiaux, la violence tout court) et un langage très poétique.
– succès dans les années 1980, collaboration avec le metteur en scène réputé Patrice Chéreau.
– meurt prématurément (à 41 ans) du sida.
ŒUVRE :
– 1ère représentation : 1990 (posthume).
– thèmes : prison, violence, meurtre, viol, misère, incommunicabilité entre les êtres, éclatement de la cellule familiale.
– histoire inspirée d’un fait divers réel : l’histoire de Roberto Succo, tueur en série italien.
– censure suite au scandale en France → sera d’abord jouée à Berlin.
– pièce découpée non pas en actes et en scènes, mais en quinze tableaux.
– on peut considérer le personnage de Roberto comme une incarnation de la banalité du mal, une métaphore de la violence du monde contemporain.
+ FORMULER UNE PROBLÉMATIQUE ET PROCÉDER AU DÉCOUPAGE DU TEXTE EN MOUVEMENTS.
ZUCCO. – Je suis venu chercher mon treillis. Prétexte de la visite qui semble futile, au regard du contexte (Roberto a tué son père, il s’est échappé de prison, il « débarque » au domicile familial sans prévenir, fait preuve de violence en défonçant la porte, tout cela pour… récupérer un vêtement). Symbolique de ce vêtement : tenue de combat, de commando, suggère violence. Roberto part-il en guerre ? Contre quoi ? Contre qui ? + volonté de se camoufler, de se cacher, de se dérober ? LA MÈRE. – Ton quoi ? Plusieurs interprétations possibles : interloquée, perplexe, ironique (= tu te moques de moi??), ou simplement proprement assourdie par le choc émotionnel. ZUCCO. – Mon treillis : ma chemise kaki et mon pantalon de combat. Imperturbable, obstiné. Explicitation de la symbolique du vêtement « de combat ». LA MÈRE. – Cette saloperie d’habit militaire. Qu’est-ce que tu as besoin de cette saloperie d’habit militaire ? Tu es fou, Roberto. On aurait dû comprendre cela quand tu étais au berceau et te foutre à la poubelle. Niveau de langue familier, voire vulgaire. Violence verbale. Termes insultants. La mère renie le fils. Image insoutenable d’un infanticide regretté (« on aurait dû »), particulièrement brutal, déshumanisant, avec l’assimilation d’un bébé à un détritus bon à jeter aux ordures. Brutalité accentuée par le niveau de langue vulgaire avec le verbe « foutre » qui redouble la violence de l’image, du propos, avec une violence verbale. Condamnation irréversible, comme si la folie de son fils était inscrite dans son destin → personnage tragique. Fait penser à Œdipe, qu’on a éloigné de ses parents naturels parce que l’oracle disait qu’il tuerait son père. La mère semble regretter de ne pas avoir jeté son fils aux ordures avant qu’il ait pu commettre le parricide. Elle-même semble perdre la raison, puisqu’elle évoque ce regret pour un motif qui semble ridicule et « hors-sujet » : celui de la recherche du treillis. À moins que ce treillis soit le dernier vêtement porté par Roberto avant qu’il quitte le domicile familial, au moment du meurtre de son père… Les deux personnages ne peuvent pas se comprendre. Chacun est seul. ZUCCO. – Bouge-toi, dépêche-toi, ramène-le moi tout de suite. Roberto seul avec son obsession de récupérer son treillis. Le ton évolue. Jusque là, le fils parlait correctement, normalement. Maintenant, il devient agressif, exigeant, pressé, oppressant, avec une énumération de trois impératifs, dont le premier appartient au niveau de langue familier. LA MÈRE. – Je te donne de l’argent. C’est de l’argent que tu veux. Tu t’achèteras tous les habits que tu veux. La mère veut amadouer le fils, et croit encore le comprendre, mieux que lui-même, puisqu’elle prétend savoir ce qu’il veut (deux fois « que tu veux »). Elle ne réagit pas à la violence verbale de son fils. Manifestement, ce mode de communication est habituel entre eux. Elle semble même généreuse (verbe « donner » + déterminant « tous les »), maternelle, bien que nerveuse (les phrases sont courtes, il y a des répétitions maladroites), elle bascule dans la promesse avec l’utilisation du futur. ZUCCO. – Je ne veux pas d’argent. C’est mon treillis que je veux. Obstination, obsession. Humilité aussi, peut-être, car Roberto ne demande rien de plus que ce qui lui appartient déjà, et qui semble dérisoire par rapport à tout ce dont il pourrait avoir besoin après une évasion de prison… Folie ? + volonté de ne rien devoir à sa mère ? Jeu de réponses entre les répliques, avec parallélismes : « C’est de l’argent que tu veux »/ « C’est mon treillis que je veux » ; « Je te donne de l’argent »/ « Je ne veux pas d’argent » → incompréhension des deux personnages, obstinés, non-communication entre la mère et le fils. LA MÈRE. – Je ne veux pas, je ne veux pas. Je vais appeler les voisins. Refus, répété + menace de dénonciation + peur qui monte (besoin de renfort). Chaque personnage reste sur sa position, sa propre volonté, en contradiction avec celle de l’autre, à la forme négative : « je ne veux pas », répété chez Roberto, et ici deux fois par la mère. ZUCCO. – Je veux mon treillis. La tension s’installe. Obstination. Répétition du verbe vouloir. Incompréhension, incommunicabilité. Ressemble à un caprice d’enfant. Roberto ressemble à un gamin qui réclame qqch à sa mère. Il crie (on le sait car la mère lui demande de ne pas crier dans la réplique qui suit) comme un enfant en colère qui n’obtient pas ce qu’il veut, ce qui le rend à la fois touchant (fragile, humain) et effrayant (impulsif, sur le point d’exploser, capricieux, immature). LA MÈRE. – Ne crie pas, Roberto, ne crie pas, tu me fais peur ; tu vas réveiller les voisins. Répétition encore. Remarque générale sur l’ensemble du tableau : la mère use d’une syntaxe répétitive, maladroite, familière,voire vulgaire ; bref, elle ne maîtrise pas bien le langage. On est dans un milieu populaire. Roberto Zucco est issu d’une famille modeste. La tension ne cesse de monter ; la « peur » est ici explicite. Incohérence de la mère : dans la réplique précédente, elle menacer d’ « appeler les voisins » ; maintenant, elle craint que Roberto les réveille. Encore un jeu de parallélisme (« je vais appeler les voisins/ tu vas réveiller les voisins ») qui met en relief une mère qui semble un peu perdue, désespérée, qui ne sait plus ce qu’elle veut, ce qu’elle croit, ce qu’elle craint. Autre possibilité : il s’agit d’une stratégie pour faire taire son fils ; pour le calmer → la menace de prévenir les voisins se confirme, mais cette fois elle se met du côté de Roberto pour tenter de l’apaiser. Je ne peux pas te le donner, c’est impossible : il est sale, il est dégueulasse, tu ne peux pas le porter comme cela. Laisse-moi le temps de le laver, de le faire sécher, de le repasser. Image toujours paradoxale d’une mère vulgaire, qui refuse de coopérer avec son fils, mais qui, en même temps, tient à remplir des tâches parentales (énumération de trois verbes qui évoquent des activités domestiques : « laver/ sécher/ repasser ») dont elle se ferait un devoir (injonctif : « tu ne peux pas » + impératif « laisse-moi le temps de »). Tout à coup, elle semble pleine de principes bourgeois (Roberto ne peut pas décemment repartir avec un vêtement sale) ! = prétexte pour ne pas satisfaire son fils ? Cherche à gagner du temps ? Pourquoi ? On peut y voir une symbolique : la mère, dans un geste de soin maternel, chercherait à nettoyer son fils de son ultime péché, celui du parricide : le nettoyage du vêtement, qui semble tout à coup urgent, pourrait représenter la volonté pour la mère de retrouver son fils tel qu’il était avant d’avoir basculé dans un meurtre irréversible, avant d’avoir basculé dans la folie. On est passé de « je ne veux pas » à « je ne peux pas » → évolution vers un refus toujours plus catégorique. ZUCCO. – Je le laverai moi-même. J’irai à la laverie automatique. Si on suit la symbolique évoqué ci-dessus : Roberto prend son envol définitivement, il ne compte que sur lui-même et non plus jamais sur sa mère. Le futur montre sa détermination et, encore, son obstination. LA MÈRE. – Tu dérailles, mon pauvre vieux. Tu es complètement dingue. Reprise de l’idée de la folie, déjà évoquée dans les premières répliques de la mère. Toujours dans un niveau de langue familier et avec des termes péjoratifs, qui accentuent la violence du propos. Jusque là, elle l’appelait « Roberto », prénom qu’elle répète dans quasiment toutes ses répliques, d’ailleurs, et qu’elle va encore répéter davantage dans sa longue réplique finale. Ici, elle utilise une apostrophe insultante et méprisante : « mon pauvre vieux ». La mère oscille sans cesse entre amour et haine pour son fils. Première image du déraillement, qui reviendra dans la longue réplique de la fin du tableau. ZUCCO. – C’est l’endroit du monde que je préfère. C’est calme, c’est tranquille, et il y a des femmes. La « laverie automatique » symbole d’un endroit neutre, froid, public, impersonnel, où, donc, Roberto se sent bien. Mieux, il suggère l’idée que c’est un endroit propice à la séduction. Crise familiale : l’idée d’attendre à la laverie automatique est préférable à l’attente du treillis au domicile familial, qui apparaît, par contraste, bruyant (Roberto y crie au lieu de parler) et violent (les échanges verbaux sont agressifs et lourds de reproches et d’insultes). Ici à la maison, il n’y a pas « des femmes », il n’y en a qu’une : la mère, avec qui la relation est complexe, entre amour et haine, pleine de tension. Roberto aspire au « calme » et à la « tranquill(ité) ». LA MÈRE. – Je m’en fous. Je ne veux pas te le donner. Ne m’approche pas, Roberto. Je porte encore le deuil de ton père, est-ce que tu vas me tuer à mon tour ? Toujours : niveau de langue familier + mépris, pas d’écoute (« je m’en fous ») + refus (« je ne veux pas ») + peur (impératif « ne m’approche pas » et interrogation sur l’avenir « est-ce que tu vas me tuer »). Explicitation de la raison du mépris, voire de la haine maternelle : le meurtre récent du père. ZUCCO. – N’aie pas peur de moi, maman. J’ai toujours été doux et gentil avec toi. Pourquoi aurais-tu peur de moi ? Pourquoi est-ce que tu ne donnerais pas mon treillis ? J’en ai besoin, maman, j’en ai besoin. Le fils veut amadouer la mère (impératif négatif : « n’aie pas peur »). Douceur soudaine et ambiguë, ambivalence du personnage. Apostrophe infantile, affectueuse « maman » X2. Douceur qui semble soudaine au spectateur, mais durable selon le personnage : « j’ai toujours été doux » + précision « avec toi » → par opposition au père ? « pourquoi » ? X2 → besoin de comprendre le sens, les raisons, les causes. Question du philosophe et de l’enfant. Remise en question des paroles de la mère avec les deux conditionnels (« aurais-tu peur »/ « tu ne me donnerais pas »). Répétition de « j’en ai besoin » → apparence d’un enfant capricieux, comportement infantile, touchant, fragile. LA MÈRE. – Ne sois pas gentil avec moi, Roberto. Comment veux-tu que j’oublie que tu as tué ton père, que tu l’as jeté par la fenêtre, comme on jette une cigarette ? Et maintenant, tu es gentil avec moi. Je ne veux pas oublier que tu as tué ton père et ta douceur me ferait tout oublier, Roberto. Encore un impératif + répétition du prénom Roberto. Rappel de la gentillesse et de la douceur mais pour les refuser sciemment : la mère ne veut pas de l’amour de son fils, car il a tué le père. Mais c’est difficile pour elle, qui est entre amour et haine : « ta douceur me ferait tout oublier » → elle a sa faiblesse, sa fragilité. Il a le dessus sur elle → rapport de force : il gagne déjà. Évocation du parricide qui a précédé la pièce : violence (défenestration), déshumanisation (comparaison du père avec l’objet « cigarette »). Rappelle l’image du bébé jeté à la poubelle, dans les premières répliques, qui apparaît alors comme une « réponse » à la violence du fils. Dans cette famille, les êtres semblent déshumanisés, bons à être jetés comme des ordures par les uns ou par les autres, lors de contrariétés. ZUCCO. – Oublie, maman. Donne-moi mon treillis, ma chemise kaki et mon pantalon de combat même sales, même froissés, donne-les-moi. Et puis je partirai, je te le jure. Requête impossible, à l’impératif : « oublie » + nom affectueux infantile « maman ». Folie du personnage : comment imaginer qu’elle puisse oublier ? + autre impératif (verbe « donner » X2) qui répète tous les autres, au sujet de la tenue vestimentaire… obstination. Promesse au futur d’un départ → disparition définitive. Perspective d’une paix sans lui et d’une possibilité de tout oublier ? LA MÈRE. – Est-ce moi, Roberto, qui t’ai accouché ? Est-ce de moi que tu es sorti ? Si je n’avais pas accouché de toi ici, si je ne t’avais pas vu sortir, et suivi des yeux jusqu’à ce qu’on te pose dans ton berceau, mon regard sur toi sans te lâcher, et surveillé chaque changement de ton corps au point que je n’ai pas vu les changements se faire et que je te vois là, pareil à celui qui est sorti de moi dans ce lit, je croirais que ce n’est pas mon fils que j’ai devant moi. Délire de la mère. Besoin de comprendre. Paradoxe : elle regarde attentivement son fils changer (« surveillé chaque changement ») et ne voit pas « les changements se faire ». Paradoxe entre, d’une part, le besoin d’accentuer la différence entre le Roberto du passé et le Roberto du présent, et d’autre part, le besoin de reconnaître le Roberto passé, de le retrouver. Expression de l’amour maternel : la mère ne quitte pas des yeux son fils. Mais effroi, incompréhension : le fils est un monstre. Incrédulité de ce personnage qui semble tragique : la mère ne comprend pas elle-même comment il est possible que son propre fils soit devenu ce qu’il est, au point de remettre en question la maternité : « est-ce moi Roberto qui t’ai accouché ? Est-ce de moi que tu es sorti ? ». Questionnement tragique, car la réponse est oui, inexorablement. Autre paradoxe notable, celui du langage : dans cette longue réplique, la mère, qui jusque là avait un langage familier, voire vulgaire, plein de maladresses, adopte ici un langage plus poétique, proche de celui des tragédies du XXème siècle. Pourtant, je te reconnais, Roberto. Je reconnais la forme de ton corps, ta taille, la couleur de tes cheveux, la couleur de tes yeux, la forme de tes mains, ces grandes mains fortes qui n’ont jamais servi qu’à caresser le cou de ta mère, qu’à serrer celui de ton père, que tu as tué. Besoin d’accentuer maintenant la continuité (répétition du prénom + « reconnais » X2 + énumération des parties du corps). Effet de chute avec le parallélisme final : « qu’à caresser le cou de ta mère, qu’à serrer celui de ton père » : contraste entre l’amour (et la douceur) pour la mère et le meurtre (strangulation) du père (Œdipe, côté tragique accentué par la restriction du verbe « servir à » : « ces grandes mains fortes qui n’ont jamais servi qu’à », comme si c’était inscrit dans le destin pour l’éternité). Pourquoi cet enfant, si sage pendant vingt-quatre ans, est-il devenu fou brusquement ? Comment as-tu quitté les rails, Roberto ? Qui a posé un tronc d’arbre sur ce chemin si droit pour te faire tomber dans l’abîme ? « pourquoi », « comment », « qui » → besoin de comprendre ce qui, d’après elle, relève de l’accident (adverbe « brusquement » + image de l’« arbre sur ce chemin »). + Besoin d’accentuer de nouveau la différence entre le Roberto du passé et celui du présent. Répétition de l’idée de la folie. Antithèse « sage »/ « fou ». + présentation du personnage (on est dans le tableau II de la pièce, c’est-à-dire l’équivalent de la scène 2, donc encore au début de l’œuvre, dans une forme d’exposition) : on apprend son âge exact. Jeune adulte. Roberto du passé, selon la mère : « sage », sur « les rails », sur un « chemin […] droit » → irréprochable, moral, honnête, conformiste, « normal ». Roberto du présent : « fou », « dans l’abîme » → perdu. Roberto, Roberto, une voiture qui s’est écrasée au fond d’un ravin, on ne la répare pas. Un train qui a déraillé, on n’essaie pas de le remettre sur ses rails. On l’abandonne, on l’oublie. Je t’oublie, Roberto, je t’ai oublié. La mère file la métaphore des « rails » et affirme à travers cette image que son fils est définitivement perdu, qu’il n’y a rien à faire pour le récupérer, le « répare(r) », qu’il est fichu. + déshumanisation avec le champ lexical de la machine cassée : « voiture (…) écrasée », « répare », « déraillé ». On a encore l’idée d’un matériel bon à jeter aux ordures. Elle justifie son désamour par des images et principes édictés au présent de vérité générale, à la troisième personne du singulier impersonnelle « on ». Puis elle assume l’abandon : passage du « on » au « je ». Elle déclare à son fils un oubli déjà consumé, puisqu’elle passe déjà du présent (« je t’oublie ») au passé composé (« je t’ai oublié »), comme pour s’encourager elle-même à ressentir une indifférence qu’elle ne ressent par encore, mais qu’elle voudrait éprouver. ZUCCO. – Avant de m’oublier, dis-moi où est mon treillis. Plusieurs interprétations possibles : ironie, voire sarcasme (incrédulité, il ne la prend pas au sérieux)/ surdité, indifférence, refus d’entendre les lamentations de la mère/ obsession irrationnelle pour le treillis, au point de ne pas être en mesure d’entendre les lamentations de la mère. LA MÈRE. – Il est là, dans le panier. Il est sale et tout froissé. (Zucco sort le treillis.) Et maintenant va-t’en, tu me l’as juré. Capitulation de la mère. Faiblesse, fragilité. Mais reste sur sa position de chasser son fils de chez elle et de sa vie. Rappel de la promesse → devoir de la tenir (impératif). ZUCCO. – Oui, je l’ai juré. Il s’approche, la caresse, l’embrasse, la serre ; elle gémit. Il la lâche et elle tombe, étranglée. Zucco se déshabille, enfile son treillis et sort. Accord, rappel de sa promesse. Semble doux. La douceur de la scène est monstrueuse, tragique. Fait penser à Oedipe, car il y a de l’affection, de la tendresse, voire de la sensualité (« caresse », « embrasse »). On retrouve dans l’énumération des didascalies les deux verbes qui concernaient tout à l’heure les « grandes mains fortes » de Roberto : caresser puis serrer. On comprend donc à la lecture que l’étreinte affective glisse vers la strangulation. On le comprend, lors de la mise en scène, lorsque la mère « tombe, étranglée », juste après. Zucco « enfile son treillis » qui est « sale » et « froissé », ce qui, visiblement, lui importe peu. Si on reprend la symbolique du vêtement sale à nettoyer comme on nettoie l’âme du personnage, il semble que Roberto ne soit pas près de se « remettre sur les rails »… Il « sort » de là avec un second meurtre sur les bras : celui de sa mère. En outre, le geste final de Roberto semble parfaitement absurde, puisqu’il tue sa mère au moment où il obtient enfin ce qu’il veut. Ainsi, son crime semble « gratuit », aléatoire, incompréhensible, irrationnel. Il apparaît comme un personnage tragique qui suit un destin qu’il ne peut comprendre lui-même. Bilan : Le jeune adulte est radicalement « libéré » -symboliquement- de ses deux parents ; il s’est échappé de prison ; il quitte le domicile familial ; il n’éprouve pas le besoin d’avoir de l’argent ; il aspire à se rendre dans des endroits publics, faciles d’accès, comme les laveries automatiques où il se sent si bien, prêt à conquérir les femmes. Bref, il semble parfaitement libre (et tout à la fois tragique). Et parfaitement monstrueux. L’intrigue peut alors véritablement commencer pour le spectateur qui suit ce personnage ambivalent, inquiétant, doux et violent à la fois. – rapport de force au sein de la relation mère/fils. – Éclatement de la cellule familiale / absence de communication entre les êtres – tragique – niveau de langue familier – beaucoup d’impératifs – tension – amour/ haine – douceur/ violence – violence verbale/ violence physique – éléments d’exposition (on est encore au début de la pièce, dans le deuxième tableau : on apprend bcp de choses sur le personnage principal, sur sa situation, sur l’intrigue). |