Lecture de la nouvelle d’Isaac Asimov, « Robbie », tirée du recueil Les robots, publié en 1950.
Lecture cursive n°2 – dans le cadre du parcours « Science et fiction », qui accompagne au programme la lecture intégrale du roman de Jules Verne, Voyage au centre de la Terre.
Lire les questions avant de lire la nouvelle. Mais répondez-y après l’avoir lue en entier !
1. À quelle époque se situe l’action de la nouvelle ? Justifiez votre réponse en citant le texte. (1 point)
L’action se déroule en 1998, c’est-à-dire dans le futur, du point de vue de l’auteur Isaac Asimov, qui publie cette nouvelle en 1950.
« Le New York de 1998 était plus que jamais dans son histoire le paradis des touristes. »
2. À quel genre littéraire appartient cette nouvelle ? Justifiez votre réponse en montrant bien le lien entre les caractéristiques de ce genre et des éléments précis de la nouvelle. (3 points)
Ce récit appartient à la science-fiction. En effet, il se situe dans le futur, du point de vue de l’auteur et des lecteurs de l’époque, et tout ce qui était impossible du temps d’Asimov est rendu possible ici grâce aux sciences. Des gens comme Susan Calvin qui travaillent pour l’entreprise « U.S. Robots » contribuent à la fabrication, l’entretien, l’amélioration des robots grâce à des activités de recherches scientifiques élaborées dans différents domaines : techniques, mais aussi psychologiques, cybernétiques, etc.. Ainsi rencontre-t-on au cours de la lecture un robot intelligent, Robbie, dont le rôle domestique est celui d’une « bonne d’enfants ». Il parle et prend soin d’une fillette de huit ans, Gloria, sans que personne ne s’étonne de son existence : s’il y a du « merveilleux », pour les lecteurs de l’époque, il est rendu acceptable, « réaliste » en quelque sorte, grâce aux explications scientifiques données par l’auteur, notamment dans les passages en italique. On rencontre également à New York un « robot parlant », puis, à la fin de la nouvelle, de la « main d’œuvre robot » qui travaille dans l’usine de « U.S. Robots ». Enfin, la réaction de Robbie qui court au secours de la fillette dans l’épisode final démontre que le personnage répond rigoureusement aux trois règles de la robotique exposées par Asimov au début de son recueil, en particulier à la « première loi : Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger ». Nous sommes ainsi bel et bien plongés dans un univers « parallèle » qui fonctionne parfaitement bien, dans une cohérence assurée par un discours scientifique (relaté dans l’imaginaire « Manuel de la robotique, 58ème édition, 2058 après J.-C. »).
3. La nouvelle « Robbie » est précédée et suivie de textes qui l’ancrent dans un ensemble cohérent (ce qui fait dire à certains analystes que Les robots est un roman, plutôt qu’un recueil de nouvelles…). Il s’agit des trois lois de la robotique et des extraits écrits en italique (pages 1 à 3, et page 16).
a. Quel personnage de ces extraits retrouve-t-on dans la nouvelle ? (1 point)
Il s’agit de Susan Calvin.
b. Quel est son métier au début du recueil (dans le passage en italique) ? (1 point)
C’est un professeur, qui effectue des recherches scientifiques en « psycho-mathématique », en « cybernétique » et en « robopsychologie », afin de contribuer au progrès des « réseaux cérébraux positroniques » qui permettent la fabrication de « calculateurs » et autres « robots » au sein de l’entreprise « U.S. Robots ». Elle est l’un des collaborateurs fondateurs de cette firme.
c. Quand rencontre-t-on ce personnage dans la nouvelle ? Racontez. (1 point)
Susan Calvin se trouve, adolescente, en train de prendre des notes devant le « robot parlant » à New York, au musée de la science et de l’industrie.
d. Enfin, quels effets produit la présence de ce personnage dans le récit ? (2 points)
– Elle produit un effet de réel, car le lecteur peut ajouter -d’une manière qui lui semble fortuite, comme si c’était le hasard qui avait placé là Susan Calvin !- un élément biographique à la construction du personnage. Notre nouvelle s’apparente à une analepse, c’est-à-dire à un « flash-back », comme un vrai souvenir de Susan, qui d’ailleurs l’évoque explicitement : « j’ai vu la petite fille au musée… ».
– Elle produit également un effet de familiarisation avec ce personnage, que l’on retrouvera également dans d’autres nouvelles du recueil (« Menteur ! », « Le Petit robot perdu », « Évasion ! », « La preuve », ou encore « Conflit évitable »). C’est un des personnages principaux du cycle des robots dans l’œuvre d’Asimov.
– Elle peut également plaire tout simplement au lecteur, qui se satisfait de cette apparition éphémère comme on se plaît à voir la tête d’un cinéaste qui apparaît « gratuitement » dans un « caméo »…
4. Quelle image des robots ressort de la lecture de ce récit ? Expliquez votre réponse. (2 points)
L’image des robots qui ressort de ce récit est plutôt méliorative. Cependant, on peut noter d’ores et déjà que les avis ne sont pas unanimes : Grace Weston, la mère de Gloria, est devenue méfiante à l’égard de Robbie, au point de l’appeler « cet horrible engin », influencée par les regards pesants des habitants du village qui sont « très remontés », car « la plupart tiennent Robbie pour dangereux ». Cette méfiance à l’égard des robots n’est pas limitée à la campagne, puisque Mrs Weston précise : « New York vient de faire passer une ordonnance qui leur interdit les rues entre le coucher et le lever du soleil ». Il semblerait donc que des voix s’élèvent contre ces « hommes mécaniques » auxquels on confie les enfants. Susan Calvin, dans l’interview, confie une explication : « une opposition a surgi. Comme il fallait s’y attendre, les syndicats refusaient de les voir concurrencer les hommes sur le plan de la main-d’œuvre et certains secteurs de l’opinion religieuse soulevaient des objections à caractère superstitieux ». + « On nous traitait de blasphémateurs, de créateurs de démons ».
Mais en contrepoint s’élève la voix de George dans les nombreuses discussions qui opposent Mr. et Mrs Weston au sujet de Robbie. Il fait notamment remarquer l’intelligence du robot (« Il est autrement plus futé que la moitié de mon personnel de bureau »). L’épisode final où Robbie sauve la vie de Gloria ne montre pas seulement son intelligence, mais aussi sa dextérité, sa rapidité, sa loyauté (cf.1ère loi de la robotique). Si Asimov a choisi cette fin, n’est-ce pas pour prendre la défense des robots qui commencent à être mal-aimés par quelques résistants ?
Du reste, Robbie sauve la vie de l’enfant, mais il lui fait aussi retrouver la joie et le bonheur qu’elle avait perdus. En tant que fille unique, elle apprécie la compagnie de Robbie comme celle d’un ami ou d’un frère, et sa disparition la fait totalement vaciller. Si l’on peut trouver inquiétant l’attachement affectif que l’enfant éprouve pour une machine, on peut aussi voir en contrepartie les apports bénéfiques de cette relation : Robbie excite l’imagination de Gloria, qui joue avec lui et qui lui raconte des histoires, il lui offre un équilibre.
L’autre voix enfin qui renvoie une image valorisante des robots est évidemment celle de Susan Calvin : « Mais comme vous n’avez pas travaillé avec les robots, vous ne les connaissez pas. Leur souche est plus pure que la nôtre, et meilleure ».
5. Dans quelle mesure ce récit vous semble-t-il réaliste ? Pour quelles raisons ? (3 points)
Comme on l’a vu, Asimov produit des effets de réel pour deux raisons : tout d’abord, il place des explications scientifiques qui, bien qu’elles restent imaginaires, rendent plausibles les éléments merveilleux du récit (caractéristique d’une science-fiction réussie!). Il le fait d’une façon particulièrement efficace en inventant des sciences qui n’existent pas encore à son époque. De plus, il donne des petits détails techniques et sensoriels qui permettent au lecteur de se figurer le robot sans difficulté (sur les formes, la matière, l’agencement des parties du robot, par exemple). Le cadre spatial, en outre, est réel : New York, sa banlieue et la campagne, l’organisation de la société, l’usine, etc., sont autant d’éléments contextuels réalistes.
À tout cela s’ajoute une donnée qui nous permettra de glisser tout naturellement vers la question suivante : depuis qu’Asimov a inventé son récit, bon nombre de robots ont pour ainsi dire « envahi » nos vies. L’imagination de l’auteur ne nous semble donc pas aussi délirante qu’elle a pu paraître aux yeux des lecteurs de son époque.
6. Quelles réflexions actuelles ce récit peut-il susciter chez le lecteur ? Pourquoi ? (2 points)
L’image donnée des robots et les débats qui semblent agiter les personnages de la nouvelle au sujet des bienfaits ou des dérives possibles de la cohabitation des humains avec les robots résonnent à nos oreilles avec une singulière familiarité. En effet, les robots, mais aussi tous les objets connectés qui nous environnent, ont pris une place importante dans la vie quotidienne du monde occidental. On ne compte pas les émissions de télévision ou de radio qui soulèvent le problème des écrans, de la connexion aux smartphones, dont l’usage domestique rappelle celui de Robbie. Si ce dernier répond aux trois lois de la robotique édictées par Asimov en exergue de son œuvre, qu’en est-il de « nos » machines ? Force est de constater que dans notre réalité, aucun fabriquant n’a choisi de mettre en place une telle éthique avec autant de rigueur. On peut alors s’interroger: ne faudrait-il pas que la réalité rejoigne la fiction ici utopique d’un monde où l’on s’assure avec certitude que les machines ne peuvent être que bénéfiques pour les humains ?
De plus, si l’on peut s’émerveiller face à l’intelligence artificielle, à la technicité et au côté pratique de nos machines, on peut aussi s’interroger sur notre rapport affectif à ces objets, comme le fait Grace Weston au sujet de sa drôle de « bonne d’enfants »… On peut s’interroger aussi sur les réactions affectives disproportionnées de Gloria lorsqu’elle est séparée de Robbie : on dirait qu’elle a perdu un être cher, et qu’elle ne parvient pas à faire le deuil de sa perte. Qu’advient-il de nous, par exemple, lorsque nous oublions ou perdons notre smartphone ? Cette nouvelle nous invite autant à admirer l’intelligence humaine sollicitée par la création de telles machines, qu’à nous poser les « bonnes » questions sur les usages que l’on en fait.
7. Trouvez au moins deux points communs entre Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne, et la nouvelle « Robbie », d’Isaac Asimov. (2 points)
– Dans Voyage au centre de la Terre, les éléments merveilleux du récit -notamment la descente dans les entrailles de notre planète- sont rendus possibles grâce aux pratiques scientifiques des héros. C’est un point commun avec « Robbie » (cf. question n°2).
– Le contexte spatio-temporel des deux œuvres reste réaliste, même si Voyage au centre de la Terre explore des contrées souterraines jamais explorées et « Robbie » évoque un futur par définition encore inconnu à l’époque de la rédaction. Toutefois, toutes les zones géographiques évoquées sont réelles dans les deux œuvres, et les personnages n’ont aucun super-pouvoir.
– Les personnages de scientifiques (Otto Lidenbrock dans Voyage au centre de la Terre, et Susan Calvin dans « Robbie ») semblent dévoués corps et âme à leurs pratiques scientifiques. Ils font preuve de sensibilité malgré leur apparence froide, et surtout, ils font preuve d’une intelligence immense, parfois mal comprise mais le plus souvent admirée par leurs pairs.
– On peut voir une dimension didactique dans les deux œuvres. Elle est beaucoup moins frappante chez Asimov que chez Verne ; néanmoins elle reste présente, dans la mesure où il y a une « leçon » à tirer du récit. Les deux œuvres, comme toute « bonne » œuvre de science-fiction, nous amènent, par l’imagination d’un autre monde possible, à réfléchir sur notre réalité.