ORAL 3
(portrait de Mlle de Chartres, future princesse de Clèves)
Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes.// Elle était de la même maison que le Vidame de Chartres et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l’avait laissée sous la conduite de Mme de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l’éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. / La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Mme de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle lui montrait ce qu’il a d’agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d’un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d’une honnête femme, et combien la vertu donnait d’éclat et d’élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance ; mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même et par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée.//
Cette héritière était alors un des grands partis qu’il y eût en France ; et quoiqu’elle fût dans une extrême jeunesse, l’on avait déjà proposé plusieurs mariages. Mme de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu’elle arriva, le Vidame alla au-devant d’elle ; il fut surpris de la grande beauté de Mlle de Chartres, et il en fut surpris avec raison.//La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l’on n’a jamais vu qu’à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.
INTRODUCTION
(Présentation générale : de l’auteur, de l’œuvre complète, du contexte historique, etc.)
– Mme de La Fayette : (voir fiche sur l’incipit de La Princesse de Montpensier).
– La Princesse de Clèves : paru en 1678
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roman historique : l’intrigue a lieu sous le règne de Henri II (1519-1559), donc plus de cent ans en arrière par rapport à la date de création.
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roman psychologique : fidèle au mouvement Précieux, Mme de La Fayette développe dans son récit la psychologie amoureuse. On pénètre dans l’intériorité de son personnage principal, il y a peu d’actions véritables, l’essentiel des péripéties est concentré dans l’esprit des personnages, notamment celui de la princesse de Clèves.
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Roman à visée morale : fidèle au mouvement Précieux, Mme de La Fayette développe l’art d’aimer (la courtoisie) contre les dangers de l’art de la séduction (la galanterie), elle défend le mariage d’amour et le principe de fidélité. Fidèle au Classicisme, elle apporte une dimension morale, et donc argumentative, à son récit, dans le double objectif de « plaire et instruire ».
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résumé rapide (synthétique) du roman, que vous avez lu en entier, bien sûr !
(Situation du passage dans l’œuvre)
Notre passage se situe vers le début du roman. Mlle de Chartres, future Princesse de Clèves, a seize ans et apparaît pour la première fois à la cour du roi Henri II. Elle est ainsi offerte au regard des autres personnages, mais aussi au regard du lecteur, qui découvre ici l’héroïne du récit. Les enjeux de ce texte sont donc multiples :
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enjeux littéraires : comment l’auteur aborde-t-elle son héroïne ? Quel est son style d’écriture ? Comment ce style s’inscrit-il dans l’histoire littéraire ? → En quoi est-il typiquement Classique ? En quoi est-il typiquement Précieux ? ;
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enjeux narratifs : le personnage principal, héroïne éponyme, est présenté au lecteur. Qu’est-ce qui se joue ici ? Comment apparaît-elle aux yeux du lecteur et quels effets d’annonce sont produits dans la relation qui s’installe avec les autres personnages (sa mère, les courtisans) ?;
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enjeux moraux, critiques, philosophiques : quelle vision des hommes et du monde est donnée dans ce texte ? Quelle vision des relations hommes-femmes est donnée ici ? Quels principes moraux sont inculqués au lecteur en même temps qu’à Mlle de Chartres ? Quelle est la dimension critique de ce texte concernant la société, et plus précisément le milieu social de la cour ?
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Formuler une PROBLEMATIQUE qui englobe au maximum ces enjeux…
LECTURE ORALE DU TEXTE (entraînez-vous, seul ou en binôme, à lire le texte à haute voix!)
Mouvement du texte :
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d’abord (l.1 à 3) une description physique d’ensemble (première chose que l’on voit de l’héroïne),
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puis (l.3 à 17) un retour en arrière, narratif, qui raconte d’où elle vient (l.3 à 8) et l’éducation qu’elle a reçue (l.8 à 17), avec l’introduction de principes moraux édictés au présent de vérité générale (l.17), représentant peut-être l’opinion de l’auteur derrière le récit,
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puis un retour (l.18) au temps du récit avec les enjeux de cette présentation à la cour (trouver un mari),
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et pour finir, l.23 à 25, la boucle est bouclée avec de nouveau une description physique, mais plus détaillée cette fois (trois critères de beauté du XVIIème siècle).
DÉVELOPPEMENT : lecture linéaire.
CONCLUSION
– Récapitulation
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L’apparition d’une « beauté » à la cour – La description physique de Mlle de Chartres – Sa perfection physique, accentuée/exagérée par la narratrice (l.1 à 3 + l.23 à 25).
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Un bon parti : une femme parfaite (idéal du XVIIème s. : une femme complète, honnête, pas seulement belle mais aussi cultivée, lettrée), non seulement physiquement, mais aussi moralement – Une femme vertueuse qui a reçu une éducation parfaite – effet d’annonce : l’héroïne aura une conduite morale irréprochable (dernière phrase du roman : « et sa vie, qui fut assez courte, laissa des exemples de vertu inimitables »).
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La mère, Mme de Chartres : une femme rigoureuse, aimante, qui veut le bien de sa fille – Présentation à la cour dans le but de trouver un mari non pas seulement bon mais excellent, parfait lui aussi.
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Dimension critique : la cour, un milieu social/lieu où règne le culte de l’apparence – Méfiance à l’égard des passions – Méfiance à l’égard de la « galanterie » (= art de la séduction) – Mlle de Chartres apparaît comme une proie. vulnérable face à un danger (effet d’annonce)
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Dimension philosophique : une vision des hommes et du monde assez pessimiste, rationaliste (méfiance contre les passions), mais en même temps centrée sur les questions de l’amour (défense du mariage d’amour). → double influence : Classicisme et Préciosité.
– Réponse claire et explicite à la problématique.
– Ouverture.