Proposition de plan
pour un commentaire du texte de Jean-Paul Sartre,
extrait de la pièce Les Mouches, acte II, scène 7 (monologue d’Electre).
Le plan suivant répond à la problématique suivante : Dans quelle mesure ce monologue répond-il aux critères dramatiques traditionnels de la tragédie ?
Éléments pour l’INTRODUCTION :
– JPS (1905-1980) – romancier (La Nausée), dramaturge (Huis clos), mais surtout philosophe (L’être et le néant). « L’existentialisme est un humanisme ». Défenseur de la liberté, contre le déterminisme social. Engagé dans le communisme notamment au cours de la seconde Guerre Mondiale (résistance).
– Les Mouches : 1943. JPS revisite le mythe d’Electre avec une lecture philosophique et politique à la fois. Le crime d’Oreste symbolise un crime contre la tyrannie et contre l’abus de pouvoir (représenté par Egisthe et Clytemnestre, son beau-père et sa mère, qui ont pris le pouvoir d’Argos en tuant Agammemnon, le père d’Oreste et Electre).
– Acte II, scène 7 : Le crime d’Oreste, qui a lieu pendant qu’Electre s’exprime seule sur scène, dans ce monologue, permet de fonder la liberté et de redéfinir l’être, pour Oreste surtout, car il va assumer son crime. Electre aura plus de mal. Elle sera rongée par la culpabilité (retour en force des mouches à Argos, qui symbolisent les Erinnyes et le remords). Les Erinnyes (ou furies) sont des divinités vengeresses qui tourmentent les criminels ; dans certaines légendes, elles se transforment en Euménides, divinités bienveillantes qui pardonnent les crimes. Elles sont détestées des dieux et craintes par les hommes. Après cette scène où Oreste, hors scène, tue Clytemnestre (après avoir tué Egisthe, dont le cadavre est sur scène avec Electre), Oreste quittera Argos, les mouches le suivront et Argos sera ainsi libérée non seulement des tyrans qui ont usurpé le pouvoir, mais aussi du poids de la culpabilité et du remords.
Dans notre passage, Electre est perdue, tiraillée entre la joie de la libération et le poids de la culpabilité.
DEVELOPPEMENT :
I Une action tragique
1. Un matricide mis en scène
violence – fonction dramaturgique du monologue
fonction explicative du monologue : reconstitution de ce qui s’est passé (présence du cadavre d’Egisthe) et de ce qui se passe maintenant (meurtre hors-scène de Clytemnestre) grâce aux didascalies et aux « commentaires » d’Electre, qui perçoit, essentiellement par l’ouïe, le matricide tant attendu.
2. Le poids de la fatalité ??
action irréversible
Electre impuissante : ce n’est pas elle qui agit, mais son frère, hors scène. Fatalité qui semble peser sur elle qui n’est pas maîtresse de l’action ; fatalité qui semble peser sur Oreste qui accomplit son devoir (paradoxe sur lequel on reviendra en III : Oreste agit en réalité en homme libre, d’où le point d’interrogation dans le titre de notre sous-partie).
II Un personnage tragique
1. Un monologue introspectif
personnage tiraillé entre joie de la mort accomplie et début de culpabilité ressentie.
Malheur dû au décalage entre le rêve qu’elle a conçu pendant quinze ans et la réalité maintenant achevée : contradictions entre volonté et culpabilité + besoin de percevoir, voir et entendre pour que le crime devienne bien réel à ses yeux.
2. Monologue délibératif
un enjeu du monologue : agir sur les émotions, ressentir de la joie, ce qui révèle sa difficulté à maîtriser elle-même ses propres sentiments et émotions : on voit un personnage passionné, typique de la tragédie.
III Les enjeux de cette tragédie
1. Enjeux scéniques :
règle de bienséance ? Historiquement, il va de soi que Sartre n’a que faire de cette règle, mais en tant que lecteur de tragédie, on peut se poser la question : étant donné le choix qu’il fait de ne pas montrer Oreste tuer sa mère, le fait-il par respect de la règle de bienséance ? Pour nous, non. Car la violence est accrue par l’imagination exacerbée par les cris, qu’on imagine horrifiants, de Clytemnestre, et par la monstruosité de sa fille qui veut s’en réjouir.
Richesse de ce monologue, qui réunit toutes les fonctions possibles d’un monologue (récapituler : fonctions explicative, délibérative, introspective, dramaturgique)
2. Enjeux philosophiques
expliquer les deux interprétations symboliques du texte :
interprétation historique/politique d’une part (Argos = la France occupée par les nazis ; Clytemnestre et Egisthe = le régime nazi qui occupe la France ; les mouches = les soldats allemands qui occupent la France sous les yeux passifs des Français ; Oreste = figure du Résistant ; Electre = figure d’une résistance molle, résistance ramollie par la peur, le sentiment de culpabilité, la lâcheté, la passivité, mais résistance quand même → ambiguïté de ce personnage déchiré).
Interprétation philosophique/universelle d’autre part (Oreste symbolise l’homme libre, conscient de sa liberté, qui va jusqu’au bout de ses actes, qui les assume pleinement ; Electre symbolise les humains qui ont du mal à assumer leur liberté, qui essaient de négocier avec leur propre liberté, qui reculent, qui ont peur de leur propre liberté).
CONCLUSION :
Récapitulation
Réponse à la pbq (à nuancer, ici. Montrer l’héritage antique de la tragédie des Atrides, mais aussi la liberté prise par Sartre qui diffuse ses idées philosophiques)
Ouverture (sur un autre monologue de la séquence ? Sur une autre pièce tragique : de l’Antiquité ? Du Classicisme (personnages tragiques féminins comme Phèdre, Andromaque, prises dans des dilemmes, tiraillées par leurs passions) ? Du XXème siècle, comme Antigone (certain(e)s élèves y ont pensé à juste titre) ? A vous de voir…).