Jean-Paul Sartre, 1943 – Les Mouches, acte II, scène 7 (texte)

Jean-Paul Sartre, 1943 – Les Mouches, acte II, scène 7 – (Sq3 – LA1)

Acte II scène 7    

Electre

ELECTRE –  Est-ce qu’elle va crier ? (Un temps. Elle prête l’oreille.) Il marche dans le couloir. Quand il aura ouvert la quatrième porte … Ah ! je l’ai voulu ! Je le veux, il faut que je le veuille encore. (Elle regarde Egisthe.) Celui-ci est mort. C’est donc ça que je voulais. Je ne m’en rendais pas compte. (Elle s’approche de lui.) Cent fois je l’ai vu en songe, étendu à cette même place, une épée dans le cœur. Ses yeux étaient clos, il avait l’air de dormir. Comme je le haïssais, comme j’étais joyeuse de le haïr. Il n’a pas l’air de dormir, et ses yeux sont ouverts, il me regarde. Il est mort — et ma haine est morte avec lui. Et je suis là ; et j’attends, et l’autre est vivante encore, au fond de sa chambre, et tout à l’heure elle va crier. Elle va crier comme une bête. Ah ! Je ne peux plus supporter ce regard. (Elle s’agenouille et jette un manteau sur le visage d’Egisthe.) Qu’est-ce que je voulais donc ? (Silence. Puis cris de Clytemnestre.) Il l’a frappée. C’était notre mère, et il l’a frappée. (Elle se relève.) Voici : mes ennemis sont morts. Pendant des années, j’ai joui de cette mort par avance, et, à présent, mon cœur est serré dans un étau. Est-ce que je me suis menti pendant quinze ans ? Ça n’est pas vrai ! Ça n’est pas vrai ! ça ne peut pas être vrai : je ne suis pas lâche ! Cette minute-ci, je l’ai voulue et je la veux encore. J’ai voulu voir ce porc immonde couché à mes pieds. (Elle arrache le manteau.) Que m’importe ton regard de poisson mort. Je l’ai voulu ce regard, et j’en jouis. (Cris plus faibles de Clytemnestre.) Qu’elle crie ! Qu’elle crie ! Je veux ses cris d’horreur et je veux ses souffrances. (Les cris cessent.) Joie ! Joie ! Je pleure de joie : mes ennemis sont morts et mon père est vengé. Oreste entre, une épée sanglante à la main. Elle court à lui.

Analyse ici (à compléter avec les citations dûment recherchées pour justifier l’interprétation).

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